Aleteia - 1er mai 2019
Si l’épanouissement des salariés est la condition de l’efficacité collective, la mission première de leurs chefs est de veiller à établir la confiance. Rendre ses salariés heureux, c’est tout d’abord les rendre autonome pour les faire grandir.
«
Le premier talent d’un général consiste à connaître l’esprit du soldat
et à capter sa confiance. Et sous ces deux rapports, le soldat français
est plus difficile à conduire qu’un autre », disait Napoléon. « Ce n’est
point une machine, c’est un être raisonnable qu’il faut diriger. » Il
en va de même pour le salarié français qui souffre du manque de
confiance et de la méconnaissance des chefs à son égard.
Que demande-t-il pour être heureux ? En tête de toutes ses attentes, le
désir d’être utile, de développer ses compétences, mais aussi que son
travail soit reconnu. Et sur ce dernier critère, le salarié français se
plaint tout particulièrement de l’indifférence des patrons. La France
est ainsi classée dernière en Europe en matière de promotion interne.
Quel désastre quand on sait qu’il s’agit là d’un puissant facteur de
motivation !
La crise de défiance qui touche la plupart des corps constitués en
France, dont les entreprises, est à cet égard aussi une crise de
management, une crise du commandement qui met en cause la qualité des
chefs. Comment alors faire adhérer les salariés au « travailler plus »,
quand la moitié d’entre eux déclarent, bon an, mal an, ne pas être heureux au travail ?
Quand, à l’approche de la soixantaine, la plupart souhaite cultiver
leur jardin et quitter leur entreprise ? Comment faire pour que
l’entreprise redevienne un lieu d’épanouissement pour tous, jeunes et
seniors confondus ? De qui est-ce la responsabilité ?
Le premier devoir d’un chef est de rendre ses hommes heureux
Cicéron écrit que le premier devoir d’un chef est de rendre ses
hommes heureux. Il est ainsi de la responsabilité très directe des chefs
de s’occuper de l’épanouissement de leurs salariés. Nous l’avons vu, ce
qui rend heureux, c’est le sentiment de notre utilité et la
reconnaissance que nous en tirons. C’est cela la véritable dignité.
Respecter ses salariés, c’est répondre à ces besoins. On veut souvent
nous faire croire qu’il s’agit là d’une évolution sociétale, évolution à
laquelle doit répondre un nouveau mode de management. Nouveau, car
l’ancien mode pyramidal, trop hiérarchisé et de type militaire, est
dépassé.
Cette analyse essaye d’opposer « mauvais passé » à « merveilleux
neuf ». La réalité est différente : il y a toujours eu de bons chefs, et
de mauvais chefs. Il ne s’agit pas de découvrir de nouvelles
« recettes », mais de mettre en œuvre des règles permanentes et liées à
la nature humaine.
Le rôle indispensable des chefs : faire grandir
C’est le rôle du chef, du bon chef qu’il faut restaurer, en revenant à
ce qui fait sa noblesse telle que l’exprime Cicéron. Un bon chef, c’est
celui qui est « au service » de ses collaborateurs, qui va s’en occuper
en priorité pour les rendre heureux. Comment ? Par l’exercice d’une
véritable autorité,
mariage de compétences et de capacité à former ses collaborateurs en
vue de les rendre autonome. En leur donnant plus de responsabilités, en
délégant pouvoir de décision et missions au plus près des problèmes, du
terrain. Plus d’autonomie, c’est cela qui permet à chacun de
s’améliorer, de devenir plus performant, plus efficace. Seule la prise
de responsabilité permet à chacun de progresser.
Comme aime à le dire Xavier Fontanet, ancien président d’Essilor :
« La personne humaine, quand elle est mise en situation de
responsabilités est capable de progrès à peine croyables. » Les chefs
doivent enfin encourager la prise de responsabilité en la valorisant, en
la récompensant aussi par des promotions et des évolutions
professionnelles, faisant en sorte que chaque salarié ait ainsi intérêt à
devenir autonome. Mais cela nécessite de bâtir au préalable une
relation basée sur la confiance et la transparence. Le salarié doit
avoir la conviction que son patron ne le virera pas en cas d’échec,
conséquence de la prise de risque. Bien au contraire, celui-ci l’aidera
le cas échéant à les surmonter. Rappelons que seul l’échec est
formateur, et à l’exemple de Montherlant, toute défaite contient sa
victoire.
Bâtir la confiance
Cette confiance indispensable du patron dans son salarié a une
condition : celle de l’honnêteté et de la transparence. En effet, le
patron reste responsable de la mission qu’il a déléguée. Il sera
d’autant plus encouragé à déléguer qu’il saura qu’en cas d’erreur, de
grosse difficulté, son salarié ne cherchera pas dissimuler, à « mettre
la poussière sous le tapis », mais l’informera immédiatement.
Comment créer ces conditions ? Là encore en encourageant les bons
comportements, en les récompensant. Et en sanctionnant ceux qui ne les
respectent pas. Déléguer est une mission difficile qui impose de bien
connaître ses collaborateurs, en passant du temps, beaucoup de temps
avec eux. Les chefs en général sont trop loin de leurs collaborateurs et
des difficultés du terrain. La méconnaissance, rappelons-le, entraîne
la méfiance.
Comment alors bâtir une relation de confiance ? Par la proximité et
le temps passé ensemble. En informant et répondant soi-même aux
questions des collaborateurs, en tenant parole et respectant ses
engagements, en refusant les courts-circuits, et tout ce qui peut
blesser. En parlant vrai, avec le même langage
et les mêmes exigences pour tous, quel que soit le niveau hiérarchique.
Autant d’actes quotidiens qui permettront alors de responsabiliser ses
salariés par la voie de l’autonomie, du mérite et de la reconnaissance,
la seule qui contribue à l’épanouissement au travail. Oui, travailler
plus, c’est possible, et c’est même un plaisir, mais avec de bons chefs.